mardi 11 mai 2010

EN MARGE DU SPAGHETTI: "LES DEUX MISSIONNAIRES", FRANCO ROSSI, 1974.

Porgi l'altra Guancia (Tends l'autre joue), baptisé Les Deux Missionnaires en France sort le 21 décembre 1974 en Italie, où il fait des records de recettes, puis en juin 1975 chez nous. Je le vois en version anglaise sous-titrée français au cinéma L'Ermitage, sur les Champs-Elysées, en juillet 1975.



L'argument du film est de Rodolfo Sonego, habituel scénariste des films d'Alberto Sordi, comme Une vie difficile de Dino Risi (1960), pour ne citer que le plus connu. Bud Spencer et Terence Hill y retrouvent les habits de moines missionnaires, déjà revêtus dans On continue à l'appeler Trinita, (1971), Enzo Barboni.


L'Amérique du Sud, que les compères connaissent bien pour y avoir tourné un énorme succès, Piu Forte Ragazzi, Giuseppe Colizzi (1972), fournit les décors exotiques nécessaires au dépaysement du spectateur occidental et des repères appréciables pour les pays d' Amérique Latine. Les films de Terence Hill et Bud Spencer y cartonnent.
Les Deux Missionnaires développe, sans excès mais sans invisibilité non plus, une toile de fond sociale: celle de la colonisation et de l'esclavage -nous sommes en 1890- et une critique, plus surprenante par son acidité, avec le temps, de l'institution catholique.


Selon certaines sources, c'est Giuseppe Colizzi qui aurait dû réaliser le film, confié finalement à Franco Rossi, connu pour avoir réalisé une adaptation ambitieuse et esthétique de L' Odyssée pour la RAI, à laquelle a participé Mario Bava.

Le goût du cinéaste pour la belle image et la reconstitution soignée frappe, détonne même, par comparaison avec les images claires et fonctionnelles des comédies SpencerHill.
Gabor Pogany fournit de très savantes lumières, raffinées et picturales. Mais il est vrai que le nom de Dino de Laurentiis ouvre le générique du film. L 'entreprise ne lésine pas sur les moyens, sans être dispendieuse.




Au Parque Apolo de Carthagène (Colombie), Macaraïbo dans le film, la bagarre traditionnelle chez Hill et Spencer: une marque de fabrique exportée jusque dans la fable populaire sur la décolonisation. Cul et Chemise, Italo Zingarelli, (1979) reprend le même principe avec le même succès.

Bud Spencer, le bon géant prêchant le message d'amour universel du christiannisme, loin des pouvoirs et hiérarchies établies. Jean-Pierre Aumont, pour la co-production française, joue l'inquisiteur cultivé et inflexibe, qui met un terme définitif aux missions écclesiastiques du Padre Pedro (Bud Spencer). Jacques Herlin campe un evêque médicamenteux plus soucieux du repos de son corps que de la charité chrétienne.


Le prêtre, une des rôles fétiches de Terence Hill : du Padre G. (J. dans la version française, Gesu n'est pas Jésus) à Don Matteo en passant par Don Camillo. L'icône sur fond de Chiesa del Cabrero, Cartaghène (Colombie). Jésus, dessiné pour une image du film , est à la ressemblance de Terence Hill.


Les aventuriers: le faux prêtre et le vrai curé, mais tous deux libertaires, destructeurs aimables d'institutions récalcitrantes sur fond de rousseauisme pas si naïf que ça. L'angélisme, chez Hill et Spencer...


... se nourrit fort bien des plaisirs sensuels et matériels. Pas un de leur film n'y échappe, pour notre plus grande joie. Leur cinéma est avant tout...humain.


Bud Spencer, le géant protecteur : un rôle taillé sur mesure dans lequel l'acteur construit une image des plus durables.




Les Deux Missionnaires fut interdit en Espagne jusqu'en 1978, parce que la vision donnée de l'Eglise institutionnelle et de son pouvoir était vue scandaleuse. Padre G. et Padre Pedro face à un moine ascétique et obséquieux ressemblant à s'y méprendre à Marco Ferreri amaigri de 50 kilos.



Marilù Carteny, chef-costumière de Il était une fois dans l'Ouest et Queimada, habille Les Deux Missionnaires.



Le DVD Medusa en Italie: épuisé, mais d'excellente qualité. Version intégrale, langue italienne et sous-titres italiens. Porgi l'altra Guancia est encore disponible chez un autre éditeur italien: 01. Pas en France, hélas, où je l'attends de pied ferme.


Le cabotage écologique et l'éloge de la petite entreprise referont surface dans Cul et Chemise, (1979) d'Italo Zingarelli, et d'autres encore , avec ou sans les deux : Banana Jo, Steno (1981), tourné lui aussi en Colombie. Des comédies bien troussées dont le succès fait plus de sens qu'il ne pouvait y paraître.





Sources extérieures d'informations:
Marcello Caputo Gagliani, Altrimenti Ci Arrabiamo. Il Cinema di Bud Spencer e Terence Hill, Unmondoaparte, réed. 2009.

http://www.budterence.tk/
(Les informations données par ce site sur les lieux de tournage sont fausses pour une très petite partie, mais ici, les photos publiées de Colombie font foi.)

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